Un marché du travail en forte demande
Dans un contexte de pénurie de médecins, le secteur repense la prise en charge des soins de premier recours, les médecins s'organisent pour une meilleure adéquation entre vie professionnelle et vie privée. Explications du Dr méd. Philippe Eggimann, vice-président de la FMH.
Quels principaux défis se posent à la médecine?
Le manque de médecins va s'accentuer dans les années à venir. Les départs à la retraite de la génération des baby-boomers (45% des médecins ont plus de 55 ans), les besoins de la population vieillissante et l'augmentation démographique en sont les raisons principales. De plus, la relève est sous pression: selon une récente étude publiée par la swimsa (association suisse des étudiants en médecine), un tiers des futurs médecins envisagent de changer de métier après leurs premières expériences dans la profession. Les raisons évoquées sont un temps de travail trop élevé et une part importante de tâches administratives.
Nous avons besoin de former plus de médecins mais le numerus clausus à l'entrée ou à l'issue de la première année d'études reste un obstacle important.
Un autre problème crucial est le manque de relève en périphérie des centres urbains: des mesures incitatives à l'initiative des autorités politiques doivent venir soutenir la reprise des cabinets des médecins de premier recours qui partent à la retraite.
«Un autre problème crucial est le manque de relève en périphérie des centres urbains.»
Quelle est la situation pour la médecine hospitalière?
Le nombre de médecins hospitaliers augmente rapidement. Les hôpitaux ont développé leurs prestations ambulatoires spécialisées. Leurs policliniques et services d'urgence, ainsi que les « walk-in clinics » (consultations sans rendez-vous) sont en plein essor et assurent de plus en plus les soins de premier recours. Les conditions de travail à l'hôpital sont attractives en termes de sécurité d'emploi, d'accès garanti au plateau technique (ensemble des installations et équipements à disposition) et d'organisation de travail en équipe permettant aux médecins de « décrocher » complètement en dehors de leurs heures de service.
Comment a évolué le travail des médecins ces dernières années?
Les avancées de la numérisation (transmission d'information sécurisée, logiciels de dictée par exemple) contribuent à soulager leur travail. Cependant, les tâches administratives augmentent plus vite que les capacités de numérisation. Les médecins n'ont pas suffisamment de temps à accorder aux patients.
Certains actes médicaux et mesures thérapeutiques et diagnostiques sont progressivement délégués à d'autres professionnels: infirmières et infirmiers en pratique infirmière avancée, pharmaciennes et pharmaciens, échocardiographistes, experts en plaies et cicatrisations, assistantes et assistants en endoscopie, physician associates (formation en allemand).
Les formes de travail des médecins évoluent également. La moitié des professionnels qui travaillent dans un cabinet exercent dans le cadre d'un cabinet de groupe ou d'un cabinet partagé avec un-e confrère.
Quelles avancées peut-on saluer?
Les femmes sont mieux représentées dans le corps médical, avec des variations d'une spécialité à l'autre. Elles restent tout de fois peu nombreuses aux postes de cadre et du corps professoral. L'organisation en cabinet de groupe et le développement du temps partiel apportent de la flexibilité et améliorent les chances que les jeunes médecins restent dans la profession. Le temps de travail se rapproche progressivement de celui des autres activités professionnelles.
Où seront créés les postes de médecins à l’avenir?
Les débouchés actuels resteront très importants. Les services de santé publique ont besoin d'eux pour donner du sens aux régulations et aux activités de contrôle des actes médicaux. L'industrie, l'administration et la direction d'hôpitaux constituent d'autres débouchés possibles.